Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) peuvent-ils contribuer à protéger l’eau potable ? La réponse est oui, et cet article recense 8 grands leviers à disposition des collectivités porteuses de PAT pour protéger la ressource en eau potable de leur territoire.
Introduction
Pour protéger les captages d’eau potable des potentielles pollutions, différentes zones de protection sont mises en place :
– les périmètres de protection du captage (immédiate, rapprochée, éloignée) concernent les pollutions ponctuelles et accidentelles ;
– les aires d’alimentation de captages (AAC) désignent la surface sur laquelle l’eau qui s’infiltre ou ruisselle alimente le captage. Les AAC permettent de lutter contre les pollutions diffuses comme les nitrates et pesticides utilisés en agriculture : c’est l’objet de cet article.
Pour en savoir plus sur les AAC, visitez le site https://aires-captages.fr/
Sur 5 273 captages, la région Grand Est compte 739 captages dégradés (soit 14 %). Ces derniers présentent une qualité dégradée par des nitrates et/ou des produits phytosanitaires utilisés comme intrants en agriculture. Tous les départements sont concernés par cette pollution et 3 sont particulièrement touchés : la Marne, l’Aube et le Haut Rhin.
Afin de suivre l’évolution de l’état de ces captages, la Région Grand Est, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et l’INRAE ont déployé la plateforme Deaumin’eau.
Outils de mise en œuvre de l’alimentation durable, les Projets Alimentaires Territoriaux ou PAT sont a fortiori des outils privilégiés pour opérer une transition vers une alimentation à faible impact sur la ressource en eau. Avec 31 PAT labellisés en Grand Est, une grande majorité des captages dégradés de la région se trouvent sur le périmètre d’un PAT.
Les leviers suivants visent à réduire les pollutions agricoles à proximité des captages d’eau potable. Ils ne nécessitent pas tous d’être engagé sur un PAT, mais les PAT permettent de faciliter leur mise en œuvre en améliorant l’information des acteurs du système agricole et alimentaire. De plus, les PAT permettent d’assurer une cohérence voire une synergie entre les différents outils mis en œuvre.
1. Inclure les bons partenaires dans la gouvernance du PAT
La première étape pour créer des synergies entre PAT et protection de l’eau est d’associer les structures pertinentes dans la gouvernance du PAT. Cette étape est primordiale pour intégrer les enjeux eau à tous les niveaux du PAT : diagnostic, objectifs stratégiques, plan d’action. Au delà de la démarche globale qui vise à impliquer un maximum d’acteurs représentatifs du système alimentaire, voici une liste non exhaustive de partenaires pertinents sur les enjeux « Eau ».
Les agences de l’eau : Rhin Meuse, Seine Normandie, Rhône Méditerranée Corse. Elles peuvent sensibiliser les élus et partenaires du PAT aux enjeux eau, accompagner techniquement les projets de protection de l’eau, et financer différentes dépenses au service de la protection de l’eau (études, animation, investissements). Elles sont les partenaires privilégiés par exemple pour mettre en place des Aires d’Alimentation de Captage (AAC), cofinancer les premiers diagnostics comme le Diagnostic Territorial des Pressions et Emissions Agricoles (DTPEA) : https://aires-captages.fr/outils-methodes-dispositifs/dtpea ou encore soutenir les maitrises d’ouvrage de captages dégradés.
Les chambres d’agriculture ont une très bonne connaissance du monde agricole et peuvent accompagner les changements de pratiques, notamment le passage à l’agriculture biologique.
Bio en Grand Est, le réseau des agriculteurs bio du Grand Est, qui promeut une agriculture sans engrais de synthèse et sans pesticides.
Les animateurs captages du territoire, chargés d’animer des actions de reconquête de la qualité de l’eau ; dont les postes sont portés par les collectivités et financés par les agences de l’eau.
Le conseil régional peut offrir un accompagnement technique et/ou financier autour d’actions préventives, curatives ou palliatives pour lutter contre les pollutions des captages.
Les collectifs d’agriculteurs en transition agroécologique (groupes DEPHY, 30 000, GIEE) développent des pratiques agricoles plus vertueuses pour l’environnement (réduction des produits phyto pharmaceutiques, développements de filières, agroforesterie, etc.). Ils sont animés par différents organismes de développement agricole et suivis par l’équipe d’animation Ecophyto en DRAAF et la Chambre Régionale d’Agriculture.
La SAFER Grand Est et Terre de Liens peuvent conseiller sur la stratégie foncière et proposer des solutions si des parcelles à proximité de captages sont ou seront prochainement à vendre.
2. Développer l’agriculture biologique
L’agriculture biologique (AB) a recours à des pratiques de culture et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. En effet, elle exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limite les intrants. Par définition, développer l’agriculture biologique sur son territoire revient donc à protéger sa ressource en eau.
L’agriculture biologique est bien un outil efficace contre la pollution par les nitrates, voir ci-dessous la plaquette de la Chambre Régionale d’Agriculture du Grand Est et Bio en Grand Est sur ce sujet :
Solliciter l’accompagnement de Bio en Grand Est qui propose :
– un soutien aux conversions : diagnostics Sensibio, visites de fermes bio, réunions de découverte, témoignages ;
– un soutien à l’installation : formation, espaces tests agricoles ;
– un appui aux filières bio et à leurs circuits de commercialisation : aide pour l’obtention de subventions, diagnostics et accompagnement au changement de la restauration collective ;
– l’organisation d’événements pour rendre les produits bio plus accessibles aux consommateurs et lever les freins à la consommation : marché bio, animations et activités ludiques, défis « Foyers à Alimentation Positive ».
Solliciter l’accompagnement des chambres d’agriculture qui proposent :
– un soutien aux producteurs : conseil technico-économique via des études de conversion et un suivi individuel ou collectif des agriculteurs bio, journées techniques, portes ouvertes sur les fermes, formations des agriculteurs ;
– un soutien à l’installation : études d’installation, mise en lien cédant et porteur de projet, conseil installation et transmission, suivi des nouveaux installés ;
– un appui aux filières : accompagnement de collectifs d’agriculteurs à la structuration de filières, appui individuel aux projets de diversification des fermes, animation de plate-forme logistique mixte pour la mise en lien entre producteurs et RHD.
Faire connaître et appliquer la loi EGAlim qui impose à la restauration collective un minimum de 20% de produits labellisés AB dans les achats de denrées (en valeur annuelle Hors Taxe). La DRAAF peut vous aider à communiquer sur les objectifs réglementaires. Bio en Grand Est, les chambres d’agriculture ou d’autres bureaux d’étude peuvent accompagner les collectivités dans les changements de pratiques en restauration collective. Visionnez le replay du webinaire organisé en 2022 pour consolider vos connaissances d’EGAlim et les bonnes pratiques pour aller vers les objectifs de la loi.
3. Développer les filières alimentaires à Bas Niveau d’Impact (BNI)
Les cultures ou systèmes de production à Bas Niveau d’Impact (BNI) sur la ressource en eau n’utilisent pas ou très peu d’intrants agricoles de synthèse (fertilisants, produits phytosanitaires). Il peut s’agir, concernant l’alimentation humaine, de systèmes herbagers à destination de l’élevage, de toute production en Agriculture Biologique, de chanvre (graines et huile), de sarrasin ou de légumineuses sous certaines conditions à valider avec l’agence de l’eau pertinente (AB ou cahier des charges encadrant l’utilisation des herbicides).
Les PAT visent à développer les débouchés des productions alimentaires de qualité et à faible impact environnemental et peuvent ainsi soutenir les débouchés commerciaux de ces filières.
Candidater à l’AMI « soutien aux filières favorables à la protection de la ressource en eau » porté par la Région Grand Est et les 3 agences de l’eau de la région. Les projets attendus sont des projets de filières pérennes et efficaces pour la protection de la ressource en eau et des milieux humides. Les démarches doivent être partenariales, concrètes et ciblées sur des secteurs à enjeu.
Les financements peuvent subventionner :
– des études de faisabilité, prospectives, technico-économiques ;
– l’animation de terrain ou le montage de projets, la coordination ;
– les investissements nécessaires à la concrétisation du projet.
Pour en savoir plus : https://www.grandest.fr/appel-a-projet/soutien-filieres-protection-ressource-en-eau/
Fin 2022, des journées d’échanges ont été organisées sur cet AMI : retrouvez les supports ici.
Maintenir ou développer les systèmes herbagers, comme l’élevage à l’herbe, en lien avec les chambres d’agriculture et des interprofessions comme Interbev Grand Est. L’herbe a en effet l’avantage d’être un obstacle naturel à la pollution diffuse : elle retient la matière organique et permet la dégradation des traitements. L’herbe protège aussi le sol de l’érosion et maintient en place sa partie la plus fertile, l’humus.
Introduire des produits issus de filières BNI dans les marchés publics, comme la restauration collective scolaire, tout en respectant les contraintes de la commande publique. Certains territoires sont allés jusqu’à la création d’un label associé à un cahier des charges pour préciser les pratiques agricoles éligibles, ce qui a permis l’introduction dans les cantines de produits locaux issus d’une agriculture respectueuse de la qualité de l’eau. Pour en savoir plus, voir la démarche Terres de Sources du bassin Rennais.
Tisser des liens avec la grande distribution pour développer les débouchés des filières BNI. Notre consommation de produits alimentaires est issue pour les trois quarts d’établissements de Grande et Moyenne Surface (GMS). Ainsi, développer la communication et la contractualisation GMS-producteurs autour de produits alimentaires BNI est essentiel pour opérer une transition agro-écologique significative. Il peut être pertinent de développer des coopérations interPAT pour représenter un plus grand nombre de consommateurs et pouvoir peser dans les négociations.
4. Renforcer les liens entre le PAT et les démarches de protection de l’eau sur le territoire
Inclure les animateurs captages du territoire dans les réunions du PAT afin d’intégrer les enjeux eau dans le diagnostic initial du système alimentaire ainsi que dans le plan d’actions, en partant des actions déjà mises en œuvre sur le territoire. Souvent, des Aires d’Alimentation de Captages (AAC) sont définies autour des captages dégradés, avec des plans d’action concrets. Faire le lien entre les actions du PAT et celles des AAC permet d’optimiser les financements et la mise en œuvre.
Sensibiliser les élus et partenaires du PAT aux enjeux de la protection de la ressource en eau via les animateurs captages et les agences de l’eau. Par exemple : former les élus aux enjeux eau et outils à disposition ; analyser et anticiper le coût de traitement des eaux polluées ; identifier les risques sanitaires d’exposition aux pesticides ; faire connaître les différents dispositifs financiers au service de la protection de l’eau.
Formaliser des objectifs et partenariats dans le cadre de Contrats Territoriaux Eau et Climat (CTEC), signés entre les agences de l’eau et collectivités sur la qualité de l’eau (assainissement, eau potable, filières BNI). Les documents officiels du PAT peuvent ensuite faire référence à ces CTEC pour assurer une cohérence optimale.
5. Mobiliser un maximum d’aides de la PAC pour soutenir les pratiques agricoles vertueuses
En tant qu’outil de mise en concertation des acteurs de l’écosystème agricole et alimentaire du territoire, le PAT est un bon vecteur de communication, il peut permettre de faire connaître les aides de la Politique Agricole Commune pour favoriser les pratiques agricoles qui préservent la ressource en eau. Pour plus de détails, rendez-vous sur l’article « PAC » de Bio en Grand Est publié en février 2023 ou consultez la fiche de la Chambre Régionale d’Agriculture Grand Est sur les nouveautés 2023 des aides PAC pour les agriculteurs bios.
Voici les principales aides à solliciter :
– L’éco-régime, nouveauté du 1er pilier à partir de 2023
– Les aides couplées spécifiques à certaines productions bio
– L’Aide Conversion Bio (CAB)
– Les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC)
– Les subventions aux investissements matériels permettant par exemple de remplacer l’usage d’herbicides par des solutions de désherbage mécanique, via les AAP relayés par Bio en Grand Est.
6. Mettre en place des Paiements pour Services Environnementaux (PSE)
Les PSE en agriculture sont des dispositifs qui rémunèrent les agriculteurs pour faire évoluer leurs pratiques vers des systèmes plus résilients et pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages. La protection de l’eau fait partie de ces avantages.
Dans l’objectif de préserver la qualité de l’eau et limiter les pollutions agricoles, les actions suivantes peuvent faire l’objet de PSE : diminution des pesticides (indicateur QSA), cultures BNI, infrastructures agro-écologiques, couverts d’hiver. Un co-financement par les agences de l’eau est possible jusqu’à 90%, mais ce n’est pas compatible avec les MAEC de la PAC. Pour en savoir plus, voici un guide synthétique en 4 pages.
7. Accompagner les pratiques agroécologiques
Candidater à l’AAP GIEE / 30 000 qui peut financer l’émergence de collectifs d’agriculteurs, la mise en œuvre de projets de GIEE et l’accompagnement de groupes Ecophyto 30 000. Faire partie d’un collectif permet d’échanger, de mutualiser les coûts et d’expérimenter ou mettre en œuvre des nouvelles solutions pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Ce travail en groupe permet de passer d’un conseil technique ciblé, que l’agriculteur reçoit, à une animation basée sur l’intelligence collective, dans lequel l’agriculteur devient l’acteur principal de son propre changement. De nombreux collectifs existent déjà : https://collectifs-agroecologie.fr/
Candidater à l’AAP Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) qui permet de financer des investissements matériels (désherbage mécanique, culture de l’herbe) et de l’accompagnement technique.
Accompagner la création ou le développement de CUMA permettant l’investissement dans du matériel lié à des pratiques (AB, désherbage mécanique) ou cultures (herbe ou autres cultures BNI) qui préservent la qualité de l’eau.
Diffuser des fiches pratiques à destination des agriculteurs et filières agricoles. Ces fiches peuvent provenir de collectifs d’agriculteurs (GIEE, DEPHY, 30 000) ou par d’autres structures promouvant l’agroécologie. Par exemple, les fiches filières du SDEA en Alsace mettent en évidence les types de cultures/productions qu’il est possible de développer dans le contexte actuel, avec des pistes potentielles de développement : https://www.mission-eau-alsace.org/proteger-ressources-eau-eau-developpement-filieres-bas-impacts/
8. Sensibiliser le grand public aux enjeux « eau »
Si les consommateurs accordent de la valeur aux produits locaux, ils sont souvent moins sensibles aux impacts de l’agriculture sur les ressources naturelles de leur territoire. Organiser des événements pour sensibiliser le grand public aux enjeux de pollution de l’eau est utile pour stimuler la consommation de produits respectueux de la qualité de l’eau potable. Sur le modèle des fresques, la Fresque de l’Eau permet de découvrir les enjeux liés à l’eau, sa disponibilité, ses usages, ainsi que leur sensibilité face au changement climatique.
Dernière modification le 30 mai 2023 par Ludovic LAY