En 2024, l’ADEME a publié pour la première fois des chiffres sur le gaspillage alimentaire en restauration commerciale.
Au-delà des chiffres, quelle est la réalité des restaurateurs ? Et quelles sont les alternatives proposées pour limiter le gaspillage ?
Petit tour d’horizon grâce au travail de Virginie MONMARTIN, journaliste agricole avec laquelle nous collaborons depuis quelques mois.
Quel état des lieux ?
Selon la loi AGEC de 2020, la restauration collective et la distribution devait diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici 2025, tandis que la restauration commerciale vise le même objectif pour 2030. En outre, un label anti-gaspillage alimentaire est aussi attendu en 2025 pour la restauration collective et la restauration commerciale. Mais pour atteindre un objectif, il faut le mesurer. « Nous avons beaucoup de chiffres sur la restauration collective, mais très peu de données sur la restauration commerciale. Nous avons publié des chiffres en 2024 basés sur des estimations. Mais nous avons commencé à mesurer en pratique dans des hôtels restaurants et nous allons continuer l’expérimentation dans la restauration rapide », explique Laurence Gouthière, chargée de lutte contre le gaspillage alimentaire à l’ADEME. Les chiffres publiés en 2024 annoncent un gaspillage alimentaire de 180g par couvert en restauration traditionnelle, 115g en hôtel restaurant, 110g en restaurant thématique (crêperie, pizzeria) ou encore 25g en restauration gastronomique.

Une des raisons de cette difficulté à chiffrer le secteur serait sa structuration. « Nous sommes habitués à travailler avec les collectivités qui nous contactent lors de la mise en place d’un plan de réductions de déchets par exemple, alors que la restauration commerciale est très diversifiée entre les restaurateurs indépendants et les grands groupes, la restauration rapide ou gastronomique… » Les principales directives concernent ainsi la mise en place du doggy bag obligatoire depuis 2021 ou encore la fin de la vaisselle jetable pour la consommation sur place en restauration rapide. Mais peu d’actions visent le gaspillage alimentaire en restauration commerciale.
Un secteur déjà impliqué
« Celui qui ne sait pas gérer ses biodéchets, il faut qu’il change de métier. Avec la hausse des prix des matières premières et des charges, la seule option est de bien gérer son coût matière. On ne peut pas reporter toute la hausse sur les prix en restaurant », résume Christophe Weber, directeur de l’ Union des Métiers et des Industries de l’hôtellerie dans le Bas-Rhin (UMIH67). C’est le même constat chez Ludovic Poyau, restaurateur et président de la commission du développement durable à l’UMIH : « Nous travaillons déjà le gaspillage alimentaire depuis plus de 10 ans à l’UMIH. Sur la partie amont, nous avons travaillé sur les colis que l’on commande auprès des grossistes pour qu’ils soient de plus petites tailles et correspondent à nos besoins. » Pour l’aval, en plus du doggybag, de nombreux restaurateurs testent la vente ou le don de leurs excédents à travers des entreprises comme Too Good to Go ou encore Hop Hop Food.
Dans les pistes d’amélioration proposées par l’ADEME, il y a déjà la mesure de ce gaspillage (i) : il faudrait peser durant une semaine tous les déchets alimentaires en cuisine et en retour d’assiette pour évaluer le gaspillage de son établissement. Ensuite, il est conseillé de proposer deux tailles différentes d’un plat pour s’adapter aux petites faims et grandes faims (ii). Il faut enfin analyser le retour d’assiette (iii) : « Est-ce que la décoration d’un plat est souvent jetée ? Par exemple, un restaurant a vu qu’il jetait très souvent la feuille de salade qui accompagnait l’assiette de fromages. Il est possible de diminuer d’environ 20 % le gaspillage en étant attentif au quotidien. Pour diminuer davantage, cela peut demander de revoir sa carte ou même de limiter le nombre de plats pour que ces derniers soient plus souvent consommés » détaille Laurence Gouthière.
L’amour du bien-manger vs le risque de gaspiller
Sorti de la cuisine, le gaspillage alimentaire se fait aussi au moment de l’assiette quand le client choisira de la terminer… ou pas. « Je pèse toujours mon escalope de veau de 200 g et j’ajoute des pommes sautées et des légumes de saison achetés à un producteur situé à 10 kilomètres. En ce moment, ce sont des choux de Bruxelles et des navets. Je dirais qu’une fois sur trois, ils sont jetés », raconte Didier Roeckle, chef du restaurant La Couronne à Scherwiller. En résumé, le client voudrait un menu varié… mais pas trop non plus. En plus de l’aspect écologique, le gaspillage alimentaire touche également un aspect très culturel en raison de la quantité attendue dans l’assiette et de la représentation de chaque plat. Dans le restaurant traditionnel alsacien de Didier Roeckle, cette question est centrale : «Je défends ma région en proposant une choucroute. Je ne surcharge pas mais je ne veux pas non plus que le client se sente floué par la quantité. Nous sommes toujours entre le marteau et l’enclume. » Le restaurant propose donc LA choucroute, mais, pour d’autres plats comme la terrine, des petites portions et grandes portions, ainsi que des suppléments facturés pour éviter le gaspillage.
Les labels comme leviers ?
En 2025, le label anti-gaspillage alimentaire devrait sortir, nous vous le présenterons lorsqu’il sera officialisé. Les restaurateurs volontaires pourront le demander en suivant une méthodologie précise pour limiter le gaspillage alimentaire. L’objectif est ensuite d’obtenir un effet d’entraînement auprès des autres restaurateurs. D’autres labels existent également comme le label Ecotable, qui ne concerne pas seulement la partie alimentaire mais l’ensemble des consommations du restaurant tels que l’eau et l’électricité ainsi que les fournisseurs.
Pour aller plus loin :
Retrouvez le webinaire réalisé avec l’UNAT Grand Est à destination des acteurs du tourisme durable
Dernière modification le 11 mars 2025 par Citoyens et Territoires