Les Projets Alimentaires Territoriaux sont aujourd’hui reconnus comme un levier clé de la transition alimentaire. Dans le Grand Est, leur développement est particulièrement dynamique : près de 80 % du territoire est couvert par un PAT labellisé. Pourtant, un constat persiste : l’implication des acteurs économiques majeurs – grandes et moyennes surfaces (GMS) et industries agroalimentaires (IAA) – reste limitée.
Une étude pour comprendre et agir
Une étude conduite à l’échelle régionale avait pour but de cerner et d’analyser les freins à la mobilisation des acteurs économiques et d’identifier les leviers d’action possibles. La méthodologie a combiné :
• une revue de littérature nationale et régionale,
• un questionnaire adressé aux PAT du Grand Est (86 % de réponses),
• des entretiens menés auprès d’animateurs de PAT, de représentants économiques, d’institutions et d’experts.
Cette approche a permis d’obtenir une vision croisée, à la fois quantitative et qualitative, des relations entre PAT et acteurs économiques.
🚧 Des freins persistants
Les résultats montrent que l’implication économique demeure ponctuelle et relève souvent d’une logique de vitrine. Plusieurs obstacles ont été identifiés :
• une méconnaissance du dispositif PAT par les entreprises,
• un décalage culturel et de temporalité entre sphère publique (temps long, concertation) et sphère privée (rentabilité immédiate, contraintes opérationnelles),
• des problèmes logistiques et de volumes qui limitent les approvisionnements locaux,
• un manque d’ingénierie et de moyens humains au sein des PAT pour développer des partenariats économiques concrets.
• des difficultés économiques qui fragilisent les petites structures (conserveries, légumeries), concurrencées par les grands groupes et dépendantes de débouchés instables.
Certains témoignages montrent aussi une incohérence entre les ambitions affichées et la réalité. Par exemple, une grande enseigne a signé la charte d’un PAT mais son engagement reste surtout déclaratif. Ces collaborations, encore marginales, s’inscrivent parfois en dehors du cadre PAT, comme le partenariat de l’enseigne avec le producteur de l’îlot de la Meinau.
🚀 Des leviers concrets
Malgré ces difficultés, des initiatives inspirantes montrent qu’il est possible de créer des actions en lien avec les acteurs économiques. Plusieurs leviers ont été identifiés :
• Valoriser et rendre visibles les PAT auprès des entreprises, en développant une communication adaptée,
• Co-construire des projets économiques répondant aux besoins concrets des entreprises (volumes sécurisés, contractualisation, logistique adaptée) via une gouvernance économique,
• S’appuyer sur les structures-relais (chambres consulaires, interprofessions, réseaux économiques) pour faciliter le lien avec les entreprises,
• Renforcer l’ingénierie et la formation des équipes PAT pour dialoguer avec le monde économique,
• Investir dans des infrastructures logistiques territoriales (marchés d’intérêt local, plateformes mutualisées) pour répondre aux contraintes de collecte et de distribution, comme le futur Marché d’Intérêt Local du Grand Nancy, pensé comme un hub logistique de 20 000 m² qui combinera marché de gros, cuisine centrale et espaces pour entreprises locales,
• Renforcer le cadre réglementaire pour impulser et accompagner la transition des pratiques des acteurs économiques (SNANC, EGAlim)
Certaines coopérations inter-PAT illustrent déjà cette dynamique économique : dans les Vosges, l’initiative Translocalim 88 va faciliter la logistique mutualisée et OFALIM recense les acteurs économiques pour fluidifier les échanges. Aussi, le forum “Mangeons local en Sud Alsace” a rassemblé 200 professionnels en mars 2025 et a permis d’initier de nouveaux partenariats.
D’autres projets montrent aussi que l’implication est possible : à Strasbourg, l’événement “Fabuleuses Légumineuses” a mobilisé Auchan, Biocoop et des restaurateurs collectifs autour des protéines végétales locales. L’intégration de boulangers dans les cantines scolaires de l’Eurométropole illustre également comment des filières artisanales peuvent être soutenues. Ces réussites reposent toutefois sur un portage politique fort et sur des PAT disposant de moyens humains suffisants.
L’étude a aussi mis en avant des initiatives de financement d’acteurs privés, comme à la Conserverie locale de Metz, née dans le cadre du PAT et qui transforme des invendus agricoles en conserves. Cette entreprise va bénéficier du fonds “Bien Nourrir l’Homme” du groupe Savencia, grâce à une mise en relation facilitée par le PAT.
Et après ?
Cette étude invite les PAT à dépasser les logiques de simple concertation pour se positionner comme des plateformes opérationnelles, capables de structurer des filières locales. L’enjeu est grand : l’objectif est que les PAT deviennent un outil partagé et reconnu par l’ensemble des acteurs du territoire, y compris les GMS et les IAA. Dans cette perspective, la DRAAF Grand Est s’est dotée d’une proposition de feuille de route régionale afin d’impulser et d’accompagner ce type de changement au sein des PAT.
Si vous souhaitez plus de détails concernant cette étude, contactez la DRAAF à cette adresse : sral.draaf-grand-est@agriculture.gouv.fr
Dernière modification le 27 août 2025 par Juliette Gautier