Les fermes municipales, un modèle pour répondre à l’approvisionnement des cantines ?

Les 20 et 21 juin derniers se tenaient les premières rencontres nationales des fermes municipales à Mouans-Sartoux. Cet évènement a permis aux porteurs de ces projets d’échanger mais aussi de construire un répertoire commun des fermes municipales. Même si elles sont différentes par la taille et les contraintes de leur territoire, elles ont un objectif en commun : approvisionner en produits issus de l’agriculture biologique les établissements dont elles ont la gestion.

La ferme municipale de la commune de Mouans-Sartoux produit 25 tonnes de légumes par an qui servent à produire 1 200 repas par jour. Au départ, l’objectif était avant tout de répondre à une problématique : il n’y avait pas assez de maraîchers en agriculture biologique pour produire ces repas à destination des cantines scolaires. Depuis, d’autres exemples de fermes municipales ou intercommunales se sont mises en place. Mais comment fonctionne une telle ferme  ?

Gilles PEROLE, maire adjoint de Mouans-Sartoux, lors des rencontres des fermes municipales

Une définition récente

Grâce à ce mouvement naissant des fermes municipales, une définition commune a émergé. Une ferme municipale est basée sur trois piliers : une restauration collective publique portée par une collectivité, une ferme en agriculture biologique et une gouvernance publique. « Il y a vraiment une volonté de production et d’approvisionnement des établissements. Souvent, ce sont des fermes en maraîchage car la demande en fruits et légumes est importante mais ce n’est pas le seul modèle possible. La commune de Toulouse produit du blé pour faire le pain à destination des cantines », explique Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux. Par cette définition, elle se distingue de l’agriculture urbaine, dont la production est souvent destinée au grand public, ou des chantiers d’insertion avec un atelier maraîchage dont la partie pédagogique peut prendre le pas sur l’approvisionnement.

Gérer une ferme

Maraicher et agent municipal

Pour bien débuter la ferme, il est conseillé de bien s’entourer en s’appuyant sur une personne qui a des compétences en maraîchage. « Nous avons choisi d’embaucher un maraîcher car c’est un métier particulier avec des compétences spécifiques. Il est salarié de la commune mais il travaille comme un agriculteur avec la planification des cultures, des horaires parfois allongées et des tâches qui vont dépendre de la météo. Je conseille de salarier quelqu’un avec un BRPEA (Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole)  pour débuter », raconte le maire adjoint de Mouans-Sartoux. Même constat pour Julie Scherrer, responsable projets à la Ville d’Epinal : « Nous avons commencé avec un saisonnier en été car c’est la plus grosse période de production mais nous avons finalement choisi de travailler avec un maraîcher à l’année. » La ferme de Mouans-Sartoux fait 6 hectares et celle d’Epinal mesure 1,4 hectares avec l’objectif d’atteindre 10 hectares en 2026. Cependant, il peut être difficile de trouver des candidats. C’est donc un point à anticiper dans la constitution du projet. C’était d’ailleurs un des sujets étudiés lors d’un atelier aux rencontres nationales des fermes municipales.

Une coordination avec les cuisines

« Au départ, on part des besoins annuels des établissements pour ensuite créer les ressources derrière. Une fois le plan de culture établi, le responsable de la restauration fait le point avec l’agriculteur pour savoir quels légumes seront disponibles chaque semaine. C’est l’agriculteur qui donne la temporalité, c’est de la cuisine de marché. Il faut de la souplesse dans la coordination », détaille Gilles Pérole. En plus de la coordination, cela demande de l’adaptation de la part de la cuisine pour cuisiner des légumes bruts et apprendre à cuisiner le même légume plusieurs fois dans la semaine si c’est le moment de la récolte. Pour certaines fermes municipales, cela a pu demander des travaux dans les cuisines centrales, comme c’est le cas à Epinal.« Nous avions des cuisines de réchauffe. Nous avons donc un plan pluriannuel pour les rénover, à raison d’une cuisine par an pour avoir 4 cuisines équipées. Nous avons aussi acheté un véhicule électrique frigorifique pour le transport des denrées et la livraison des repas dans les cantines. ».

Mais le moment de la demande ne s’aligne pas toujours avec la production. La pic de production est souvent en été lorsque les établissements sont moins demandeurs. Certaines collectivités ont donc investi dans des unités de production de surgélation pour surgeler la production en été pour combler par la suite le manque de production en mars/avril. C’est déjà le cas à Mouans-Sartoux. la Ville d’Epinal investira dans l’unité de surgélation l’année prochaine et donne les surplus à la banque alimentaire. Elle travaille également avec la Légumerie de Xertigny, pour transformer et conserver ses surplus de légumes (soupes, sauces…) Ensuite, il faut y aller palier par palier, chaque année, pour que la production augmente et que l’organisation suive.

L'objectif est de commencer petit et d'agrandir l'espace en fonction du développement du projet. C'est ce que font les communes d'Epinal et de Mouans-Sartoux
L’objectif est de commencer petit et d’agrandir l’espace en fonction du développement du projet. C’est ce que font les communes d’Epinal et de Mouans-Sartoux

S’organiser en collectivité

Miser sur le collectif

Pour Julie Scherrer, de la commune d’Epinal, le point de départ d’une ferme municipale est clair : « Il faut une forte volonté politique de la part des élus et des agents engagés qui croient au projet. Je conseille de débuter avec un projet petit et concret rapidement ». C’est le travail collectif qui va permettre de construire la ferme ainsi qu’un travail transversal entre les différents services de la commune. Dans le cas de Mouans-Sartoux, la régie agricole est constituée de trois personnes mais les agents des espaces verts viennent en soutien en cas de besoin. Ce modèle de régie agricole est privilégié par la majorité des fermes : « Tous nos services sont déjà en régie municipale, les transports, l’eau, la cantine scolaire alors nous avons continué avec ce modèle que nous connaissions déjà », explique Gilles Pérole. Mais ce n’est pas le seul disponible, il est aussi possible d’opter pour un SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), une SEM (Société d’économie mixte) ou une SPL (Société publique locale) notamment quand il y a des prestataires.

Le projet de la ferme peut aussi s’insérer dans les actions menées à d’autres échelles territoriales, telle que l’intercommunalité ou le département. « Notre ferme est possible grâce à la mutualisation, on a obtenu des financements pour l’achat de notre serre grâce au plan Relance, au sein du PAT labellisé du PETR dont nous faisons partie par exemple », détaille Julie Scherrer.

Intervention de Julie SCHERRER lors des rencontres nationales

Et la rentabilité ?

La ferme municipale vise souvent à remplacer la production des repas délégué à un prestataire extérieur. Mais la rentabilité économique serait difficile à comparer. « Un repas que nous payons à notre prestataire coûte 7 euros dont  mois de 2 euros de denrées alimentaires. Si nous ajoutons le personnel et les fluides, nous arrivons à un repas à 14 euros. Avec la ferme, nous avons un coût de denrées alimentaires de 2,80 euros avec un repas qui coûte 12 euros. Nous avons aussi mis en place des mesures pour limiter le gaspillage alimentaire par exemple », explique Julie Scherrer. Du côté de Mouans-Sartoux, la production des légumes coûterait 40 % plus cher, mais elle mise aussi sur une alimentation plus végétale et moins de gaspillage alimentaire. Mais au-delà de l’aspect économique, c’est surtout l’aspect social et environnemental qui pousse à continuer. Gille Pérole en est convaincu : « Grâce à la ferme municipale, notre politique alimentaire et la sensibilisation sont dynamisées. La cantine plus locale et plus végétale sensibilisent aussi les parents. En plus, les services de la Ville sont aussi plus sensibles aux enjeux agricoles. La Ferme municipale peut être une réponse aux difficultés de la transmission des fermes en salariant un maraîcher. »

Article réalisé par Virginie MONTMARTIN, journaliste agricole et créatrice du podcast « Agri quoi?! » suite au vote du sujet par les membres du Réseau PARTAAGE

Dernière modification le 20 novembre 2024 par Citoyens et Territoires


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