Le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) a publié en juin 2024 son rapport Faire de la transition écologique un levier de l’inclusion sociale – l’impact social de l’écologie, réalisé en partenariat avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et le soutien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Vous trouverez le document en téléchargement à cette adresse ainsi que la synthèse à feuilleter ci-dessous.
Ce rapport entend montrer que si elle est bénéfique pour les plus modestes, particulièrement exposés aux conséquences du dérèglement climatique, la transition écologique est également porteuse de risques sociaux qu’il convient d’anticiper et de prévenir.
La question environnementale est une préoccupation nouvelle pour le CNLE. Après une démarche qui aura duré plus de deux ans, ce rapport n’est qu’une première étape pour le CNLE, qui poursuivra ses travaux sur le sujet, notamment sur l’accès à l’alimentation durable et à ses enjeux sociaux, à la définition de recommandations sectorielles opérationnelles et à l’identification de bonnes pratiques consensuelles.
La transition vers une alimentation durable ?
Au regard des travaux du réseau PARTAAGE sur l’accessibilité sociale à une alimentation durable, nous attirons particulièrement votre attention sur le rapport sectoriel « alimentation » que vous retrouverez page 252 du rapport, rédigé par Faustine REGNIER: « Transition écologique et normes alimentaires : les classes populaires sous tension ». Il met en évidence et interroge la perception par les plus modestes des injonctions de végétalisation / saisonnalité / localisme qui peuvent être les nôtres. Il identifie également quelques tensions à lever et des leviers à mobiliser telle que la transformation de la contrainte subie en élément de fierté :
Synthese-Rapport-CNLE-Faire-de-la-transition-ecologique-un-levier-inclusion-sociale-06-2024On relève, en milieu populaire, des pratiques alimentaires « bonnes pour l’environnement » et conformes aux recommandations officielles : choix « de saison » et de produits locaux quand les prix le permettent, consommation de légumes secs, faible consommation de viande pour certains individus, et plus largement éthique de la parcimonie, évitement du gâchis, habitude des privations et d’une vie « avec peu ».
Ces pratiques ne sont pas conçues dans leur rapport à l’écologie. D’autres motifs les éclairent : l’habitude, le budget, le bon sens, la recherche du meilleur rapport qualité/prix, le soutien aux travailleurs locaux ou français. Toutes ces dimensions ne sont certes pas aussi valorisantes que lorsqu’il s’agit de « sauver la planète ». Elles devraient cependant être reconnues comme aussi légitimes que l’argument écologique qui sous-tend l’engagement des catégories aisées et diplômées450, mais dont nous venons de montrer qu’il n’est pas légitime pour tous.
Le discours environnemental, mobilisé pour inciter les individus à modifier leurs choix alimentaires pour la transition écologique, fait l’impasse sur des pratiques, des motifs non reconnus comme ces « petits gestes » qui comptent pour protéger l’environnement : elles sont invisibles et sans valeur.
Or ces éléments constituent des leviers importants sur lesquels devraient davantage s’appuyer les différentes politiques. Par-là, ces contraintes subies pourraient devenir objet de fierté et les actions en faveur de la transition écologique, plutôt que de constituer des éléments d’un possible renforcement de l’exclusion sociale, seraient à l’inverse des éléments intégrateurs. Il sera en effet difficile de progresser sur les questions de transition écologique avec les individus des classes populaires tant que les efforts qu’ils engagent au quotidien ne feront pas l’effet d’une identification et d’une reconnaissance.
Dernière modification le 24 mars 2025 par Citoyens et Territoires